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Invitée à explorer le thème de la liberté en résidence pour Le Centre de Photographie Lumière d’Encre à Céret (Pyrénées Orientales), j’ai choisi d’aborder la question de l’habitat, de la maison. Le chez-soi. Que représente-t-il dans nos vies ? Quelle place prend notre lieu de vie dans notre quotidien ? Pouvons-nous habiter ce monde librement ?
Le logement soulève aujourd’hui de grandes questions politiques, économiques, écologiques, sociales. Se loger devient, pour beaucoup, de plus en plus difficile. Devenir propriétaire est moins accessible que par le passé, parfois trop contraignant. Louer est régi par de nombreuses règles auxquelles une partie non négligeable de la population ne peut se plier. Contraints, certains trouvent refuge dans un abri plus riche de sens à leurs yeux. Abri proche de la nature avec laquelle ils renouent, ils cherchent à trouver leur place dans un Tout. Mais cette liberté a un prix, car, aujourd’hui, il semble que « pour vivre libre, il faut vivre caché ». Ils construisent parfois leur installation dans l’illégalité, tout en ressentant avec force une légitimité venue d’ailleurs, du sentiment d’être d’abord un vivant parmi les vivants.
« L’habitat apparaît comme un révélateur majeur de notre capacité d’adaptation à l’heure où nous devons trouver des solutions pour répondre à d’immenses changements», affirme avec justesse Philippe Simay, philosophe et explorateur d’espaces de vie, dans son film documentaire Habiter le monde.
Dans le canton de Céret, je suis donc allée à la rencontre de ceux qui s’installent « autrement ». Cette vie légère, non pas de sens, mais d’impact, permet d’être, sans trop avoir. Elle guide vers une sobriété de laquelle émane une douceur de vivre, fruit de l’implication dans les tâches essentielles du quotidien, oubliées dans notre société de tout confort. Dans un monde en plein progrès – technologique –, certains repensent la manière d’habiter (à ne pas confondre avec manière de vivre). La question de l’impact de nos habitats concerne chacun d’entre nous, tout comme ces micro-actions quotidiennes devenues de vrais enjeux pour les foyers : gestion des ressources et des déchets, alimentation, déplacements. L’habitat raisonné, loin de la surconsommation, ne concerne plus une petite minorité d’écologistes engagés, mais un échantillon de plus en plus large de la société d’aujourd’hui, sans distinctions de profession, de classe sociale, ni d’origine. De plus en plus de foyers s’engagent dans cette recherche de nouvel équilibre.
Habiter le Monde dresse un portrait de citoyens qui cherchent individuellement à vivre au plus près de leurs valeurs, créant, malgré eux, une communauté. Pourtant, « l’habitat ne fait pas le moine ». De la hutte au mas, mon travail photographique s’intéresse à ces habitats alternatifs pour interroger la place et le sens de nos maisons. Sont-elles des abris ? Des terriers ? Quels sont nos réels besoins ? Comme une ode à une vie ralentie, mes clichés parlent de cette douceur d’être ; simplement.
HABITER LE MONDE
ed. 6 + 2AP / 30x40cm / 40x50cm / 60x65cm / 80x100cm
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EXPOSITIONS / EXHIBITION VIEWS :
« Rien n’est vrai, tout est vivant »
E. Glissant
Au commencement il y a la distance
Pas une distance timide et maladroite
Mais celle qui assume la douceur du regard
Le respect du lieu
Du moment
Une acceptation de ce qui est
Cette photographie a la lenteur généreuse
Le souci de l’altérité
La liberté est ici un préalable
Une condition protéiforme
Inconstante et mobile
Les images que Julia glisse jusqu’à nous
Évoquent une pensée en actes
Universelle et particulariste
Habiter le Monde c’est alors refuser la prédation
Appartenir à tout ce que le regard embrasse
Rien de chagrin
Les voyeurs peuvent se rhabiller
Il faut s’arrêter et prendre le temps
Regarder
La photographe arpente mesure critique
Met son âme à l’épreuve des faits
Assume sa complexité
Indique la route
Toujours sinueuse et polymorphe
Sa photographie déploie
Patiemment
Un monde baroque
Une barbarie souvent heureuse
Parfois inquiète
Robert Majenti